Retour sur l'actu,  Seniors

Publié le vendredi 23 juillet 2021

L’ami Léo – abréviation issue de Léopold, son deuxième prénom – est Hautmontois de souche ou presque. A part durant son service militaire, il n’a jamais pour ainsi dire quitté la région, mais il est né à… Saint-Cloud, en région parisienne. A la fin des années trente, sa famille, croyant trouver du travail plus rémunérateur à Paris, s’était brièvement exilée là-bas. Avant de revenir très vite au pays après sa naissance. Deuxième d’une fratrie de douze enfants, élève sans histoire, il fréquente la communale de Saint-Rémy-du-Nord, puis l’école Carion, où il obtient le Certificat d’Etudes avec mention, diplôme plutôt prestigieux à l’époque. « Au boulot ! » : lui intime son père illico, ses treize ans à peine sonnés. En ces temps pas si lointains, les parents avaient parfois la dent dure… Exit les rêves militaires du jeune garçon, qui voulait devenir enfant de troupe. Le hasard de la vie et l’empressement parental le font entrer dans une boulangerie à Aulnoye-Aymeries, en tant que mitron. Bonne pâte, Léo apprend le métier de boulanger-pâtissier sur le tas. Il le restera durant toute sa vie active. L’amour frappe alors à son porte, sous les airs d’une délicieuse jeune fille, Andréa Deroovère, qui réside chez sa grand-mère, du côté de la rue Sainte-Anne. Mais Léo est encore jeune et las des excès de sa propre famille, il part sur un coup de tête pour Paris, en train. « Je suis arrivé à 7 h, gare du Nord. A 7 h 30 j’avais une « place », toujours au fournil » : se remémore-t-il, songeur et fier à la fois. Il y reste trois semaines. C’est que le souvenir de sa Dulcinée le titille. Retour à Hautmont…

Au service des autres

La grand-mère d’Andréa lui loue un meublé chez elle. Il n’oubliera jamais les bontés que cette dernière aura à son égard, lui qui avait grandi dans un milieu où les gestes d’amour étaient, disons mesurés. Sa petite photo trône toujours dans sa cuisine, sa pièce de vie. Le couple se marie en 1958. Sa femme est enceinte. La guerre secoue l’Algérie. Soutien de famille, Léo restera à Metz durant quatorze mois, mais rejoint néanmoins l’Afrique du Nord durant quatorze autres. Il sera affecté au réseau électrifié, mais échappera aux premiers essais aériens de la bombe nucléaire française à Reggane, de par sa qualité de père de famille.

En 1961, quelques mois avant la fin des hostilités voulue par le Général de Gaulle, Léo rentre au bercail et renoue avec les fourneaux. Le couple vit encore quelques mois au domicile de la grand-mère de sa femme. Celle-ci lui donne un deuxième fils, puis trouve un emploi chez un médecin réputé de la ville. Les projets s’échafaudent. La famille Dubuisson acquiert une jolie maison, rue de la Sucrerie. Léo y réside toujours, plus de soixante ans après. Ce boulanger actif est très apprécié de ses employeurs successifs. Il veut assurer un très bel avenir à ses deux gamins. Il commence ses « journées » à 21 heures. A 9 h le matin, il quitte la boulangerie… pour aller bosser quelques heures encore chez Dembiermont, fleuron de l’industrie locale. Exténué mais heureux, il sait qu’avec son épouse, ils cimentent les futures belles carrières de leurs deux garçons. En 1996, c’est l’heure de la retraite. Il quitte les pétrins, la larme à l’œil. Exit bâtards, baguettes, flûtes et autres couronnes et surtout sa fameuse tarte au sucre ! Il renouera pourtant plus tard avec le métier, bénévolement cette fois. Par souci des autres. Une préoccupation qui le verra officier aux Restos du cœur durant dix-huit ans, avec son épouse, aux côtés de Jacques Mutelle, son ami. Dans le même temps, trois fois l’an, il cuit le pain pour une association à Grand-Fayt, lors de fêtes populaires. Toujours bénévolement. C’est là qu’en 2003, des vols en montgolfière sont proposés aux visiteurs. Léo le casanier, qui a toujours les pieds sur terre, cède le pas à Léo l’aventurier – sans doute son côté Indiana Jones refoulé. Il embarque, s’il vous plaît, à bord d’un ballon impressionnant et, ravi, quitte le plancher des vaches. Gonflé Léo ! Un exploit dont il rigole encore, sanctionné par un authentique diplôme. A la fin des années 2000, avant que son épouse ne disparaisse, on lui propose de rejoindre l’équipe municipale, celle qui est aux rênes de la mairie depuis 1989. Il accepte et est élu. Sans étiquette et avec pour seul souci celui d’œuvrer pour tous les Hautmontois. Pour des raisons qu’il préfère oublier, Léo prend ses distances quelques années plus tard… Il renouera cependant avec les responsabilités communales, après avoir intégré la nouvelle équipe municipale, sortie victorieuse des urnes en juin 2020. Alité à l’époque pour des affections sérieuses, c’est depuis sa chambre d’hôpital qu’il savourera l’élection.

A 83 ans à peine sonnés, les commodités électriques modernes lui font profiter à fond de sa coquette et fonctionnelle demeure. De la cave à l’étage… Entre l’entretien d’un petit potager, la cuisson de ses confitures, la réalisation de conserves appétissantes et surtout la confection gourmande de sa fameuse « tarte au chuc » – qui fait fondre bien des papilles – Léo tutoie son quotidien avec un vrai bonheur. Il sait qu’il a pétri sa vie, en prenant soin de celle des autres…

En dates

1938 : Naissance à Saint-Cloud
1951 : A 13 ans et demi, entrée dans la vie active
1958 : Mariage avec Andréa à Hautmont le 1er février
1961 : Retour d’Algérie, après de longs mois de mobilisation
1996 : C’est l’heure de la retraite !
2010 : Il perd son épouse
2020 : Elu, il devient le doyen du nouveau conseil municipal

Lors d’une remise de décorations en mai dernier

Léo à la fin des années 40, avec l’écharpe blanche

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