Retour sur l'actu

Publié le vendredi 18 juin 2021

Jacques Hulin est un personnage singulier, positivement parlant. Une singularité déjà, qui l’a fait naître à l’angle des rues Michel et… Jacques, à Hautmont bien évidemment. « Je suis un vrai enraciné » : se plait-il à rappeler, le sourire en coin… C’est peu de dire qu’il se fait une haute idée de la France : «Notre pays a un passé historique à nul autre pareil et, de Vercingétorix à de Gaulle, la belle terre de France a enfanté nombre de grands hommes ». Son Panthéon personnel s’en ressent et de grandes figures historiques émergent quand on le questionne sur le sujet. « Influencé par mon métier d’entrepreneur, souligne-t-il, je retiendrai Vauban, bâtisseur émérite, militaire certes mais qui a jalonné la France de fabuleux bâtiments et d’ouvrages en tous genres, sous l’autorité de Louis XIV, mais aussi Napoléon III, qui lança les grands boulevards, insuffla un formidable souffle à l’industrie, créa les casernes et fit édifier les gares dont la plupart existent toujours. Mais un homme exceptionnel se détache : le général de Gaulle, qui était la grandeur de la France avant tout ».

Retour sur le passé

C’est à l’école de Saint-Rémy-du-Nord qu’il use ses premiers fonds de culotte, le trajet pour se rendre du domicile familial à la primaire hautmontoise étant plus long. Certes, le garçonnet ne craint pas la marche, mais c’est une question de praticité. Une scolarité sans heurts, passeport pour l’obtention de plusieurs diplômes, dont celui de modeleur et de dessinateur industriel. CAP et brevets en poche, c’est tout naturellement qu’il intègre l’entreprise familiale de menuiserie et de charpente, créée par son père en 1926. La vie, comme un long fleuve tranquille, suit son cours. A 20 ans, il est appelé sous les drapeaux. Un « service militaire » comme on disait à l’époque, qui s’étalera sur près deux ans et demi. Quelques mois plus tard il rejoint l’Algérie, lors du conflit que l’on sait. Il y restera vingt-et-un mois et en sortira caporal-chef. Membre d’une unité combattante opérationnelle 24/24, il est affecté en grande Kabylie, au service auto, avec une soixantaine de gars à gérer. Son ressenti ? « Je n’ai pas de mauvais souvenirs en vérité, glisse-t-il, même si je sais que nombre de nos camarades ont vécu un enfer sur place. Je me souviens toutefois de mon embarquement et du sentiment qui m’avait envahi sur le pont du navire qui nous emportait. Nous étions nombreux. Je regardais ce petit monde et je me disais qu’évidemment certains ne reviendraient jamais et que je ferais peut-être partie du nombre. Je savais, sans mauvais jeux de mots, que nous étions dans la même galère. Mais sur place, la camaraderie et la fraternité qui prévalaient entre nous, jeunes conscrits, nous faisaient oublier les dangers qui nous menaçaient. Et ce n’est pas une formule creuse ! J’ai eu quelques « accrochages » notamment en pleine nuit, mais moi et mon groupe avons eu de la chance. Dans ce contexte dur, dans l’innocence de nos 20 ans, nous étions incroyablement décontractés ».

Au printemps 1960, Jacques est démobilisé. Retour au bercail et reprise du boulot dans l’entreprise paternelle. Jacques, qui avait rencontré Michèle un peu plus tôt, se marie. De cette union naîtront quatre garçons, qui s’accomplissent dans la gendarmerie, l’entreprenariat ou la représentation commerciale. En 1969, l’Union Nationale des Combattants valide la création d’une section locale à Hautmont. Fondée, au sortir de la Première guerre mondiale, par le Père Daniel Brottier, aumônier militaire, et l’illustre Georges Clemenceau, son but est double, basé sur l’amitié et la solidarité. Il s’agit de faire reconnaître le droit à réparation des anciens combattants – et plus généralement la reconnaissance de la Nation envers ceux-ci – mais aussi à faire vivre le devoir de mémoire, en participant aux commémorations et en assurant des témoignages, notamment auprès du monde scolaire et des plus jeunes… Jacques Hulin rejoint ses rangs. Son entreprise et ses vingt-cinq salariés monopolisant quasiment toutes ses journées, il sera simple adhérent. « Je n’avais pas trop le temps et comme je n’aime guère faire les choses à moitié » : expliquera-t-il plus tard. En 2006 les choses évoluent cependant. Joseph Zajac, le président, désire raccrocher. En janvier 2007, Jacques Hulin lui succède et conforte l’avenir de la section locale. L’association locale rassemblera sous sa présidence jusque 230 membres. A ce jour, il est toujours à la barre, bon pied, bon œil. Les missions de l’association sont plutôt plurielles et ne se limitent pas à la participation active à toutes les commémorations patriotiques hautmontoises, en plein regain par ailleurs… « Le devoir de mémoire est essentiel, martèle-t-il avec un sens de la formule qui fait mouche. Les jeunes doivent savoir que les gens dont le nom est gravé sur les monuments aux morts ne sont pas des vieux, comme beaucoup d’entre nous maintenant. Ils avaient souvent vingt ans quand ils sont tombés. La transmission est donc un acte essentiel, même si nous souhaitons tous ardemment être les derniers à l’assurer. La guerre est une chose terrible, ne l’oublions pas ! »

Dans une demeure cossue qui fleure bon la convivialité, entre ses parterres fleuris, son joli jardin ombragé et sous le chant ponctuel du coq – évidemment gaulois – que son petit poulailler abrite, il coule des jours heureux dans la bienveillance. Un seul regret : ne pas avoir pratiqué la musique. Mais ne lui parlez pas de farniente ou d’oisiveté. Il ne supporte pas ces mots…

En quelques dates

1937 : Naissance à Hautmont
1957 : C’est la mobilisation ! L’année suivante il rejoint l’Algérie

1960 : Il convole en justes noces avec Michèle Brassard

1969 : Il rejoint l’UNC Hautmont qui vient d’être créée

1970 : Il crée son entreprise générale de bâtiment

2000 : Son épouse disparaît

2007 : Il accède à la présidence de l’UNC locale

2016 : C’est la retraite, après 61 ans d’activité

Jacques Hulin (en haut à droite) avec ses amis, durant la pause-déjeuner, avec la fameuse ration

Ici au travail, en grande Kabylie

En Algérie, jour de détente sur les bords de la Méditerranée

Avec son fils Antoine, lors de la prise de commandement d’un corps prestigieux

 

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